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PFUE : retour sur le colloque "L’indépendance au service de la création" du mardi 25 janvier

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Le ministère de la Culture et le CNC ont proposé le 25 janvier 2022, en partenariat avec le Festival Premiers Plans d’Angers, une journée de réflexion intitulée "L’indépendance au service de la création" dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Compte-rendu.

Ouverte par la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, cette journée dédiée à l’industrie et la création audiovisuelle européenne, traite des enjeux réglementaires du secteur au niveau européen. Ici s’ouvre une nouvelle séquence quant à ces enjeux entre une nécessaire position des autorités françaises et de la communauté européenne pour la diversité culturelle européenne et pour renforcer l’audiovisuel européen. Cette journée de débat a permis une mise en perspective entre les initiatives réglementaires de la Commission européenne représentée notamment par le Commissaire Thierry Breton, les autorités françaises (ministère de la Culture, CNC et Arcom) et les acteurs européens de l’audiovisuel parmi lesquels producteurs et diffuseurs. Trois tables rondes ont composé cette rencontre entre actifs culturels stratégiques, imaginaires européens et point d’étape de la directive SMA.

La culture, un actif culturel stratégique et un actif souverain ?

Les deux dernières présidences de l’Union européenne, portées par le Portugal et la Slovénie, ont veillé à insérer la culture comme un actif stratégique de l’Europe. La culture est - au même titre que la recherche ou l’innovation par exemple - et se doit d’être, prise comme un pan stratégique du projet européen et de son devenir.

Cela nous amène à réfléchir sur ce qu’est la culture et ce que l’on souhaite définir dans ces actifs. Ont pu être spécifiés lors de cette journée : la création et les talents, la valorisation et l’exploitation suivie de catalogues de films ou encore des jeux vidéo, des entreprises de productions européennes et des studios, des infrastructures et réseaux qui permettent d’y accéder, les diffuseurs, les salles de cinéma, les festivals, et les plateformes.

Quant à la question de la souveraineté, celle-ci se pose dans un contexte de transition industrielle, numérique et des usages accélérés par la crise sanitaire. Il est plus que nécessaire d’aborder les enjeux de ces actifs structurels sous l’angle de leur protection par rapport à des acteurs non européens, leur risque de fragilisation économique, ou la capacité de structuration d’un écosystème européen.

Ainsi, il est important de mettre au cœur de cette séquence, la nécessaire redéfinition de l’œuvre européenne à la suite du Brexit, d’interroger les mécanismes de protection de la production indépendante, de la circulation des œuvres européenne et de leur visibilité.

Il a aussi pu être relevé que ces impératifs doivent permettre les conditions d’une diversité européenne réelle, ou une création plus diverse, représentative et accessible. Enfin, l’audiovisuel doit prendre sa part dans la transition écologique de la société européenne. 

Des propositions françaises pour défendre cette indépendance

Le président du CNC, Dominique Boutonnat, a pu conclure cette journée et synthétiser ces riches échanges autour de deux axes.

Premièrement, lancer une offensive sur la protection des actifs culturels stratégiques européens. Il souhaite proposer à la Commission européenne une définition des actifs (œuvres, studios, catalogues...) et une proposition de régulation pour cette protection.

Afin de renforcer la filière audiovisuelle dans sa structuration industrielle, sont également souhaités le soutien à l’innovation dans les salles, le déploiement de financement privé, en priorité d’acteurs européens, l’amélioration de la diffusion des œuvres européennes et l’éducation artistique, l’accompagnement des jeunes talents dans l’entreprenariat et la création et, enfin, un besoin accru de transparence notamment des plateformes.

Le deuxième axe s’articule autour de la protection de l’œuvre européenne. Il est nécessaire de retravailler à sa définition à l’aune du Brexit, puis, de déterminer l’indépendance notamment par rapport aux acteurs extra-européens et non plus uniquement par rapport aux diffuseurs comme un critère incontournable pour la création européenne.

Plusieurs chantiers sont à investir à l’échelle européenne. Investir dans les talents, renforcer la circulation à travers le multilinguisme, achever la transposition SMA dans tous les pays et insister sur l’exposition des œuvres européennes, amorcer une réelle transition écoresponsable, renforcer la cinéphilie auprès des jeunes européens.

Des mécanismes de régulation européens à l’œuvre

Sur le plan réglementaire, l’objectif de la Commission européenne est de défendre et renforcer les valeurs fondamentales de l’Union européenne et d’assurer un cadre équitable dans le marché intérieur. Pour cela, la Commission travaille avec les États membres et le Parlement européen à la constitution d’un arsenal réglementaire large. Au niveau audiovisuel, les directives droits d’auteur et SMA qui ont été négociées ces dernières années ont permis d’assurer la préservation des droits de propriété intellectuelle et d’élargir le cadre des médias audiovisuels. Toutefois, la transposition dans de nombreux pays européens demeure bien en deçà en ce qui concerne l’investissement dans la production par exemple. Une évaluation de la directive SMA sur l’ensemble du territoire européen sera nécessaire pour comprendre son impact réel sur la création et la circulation des œuvres européennes.

En effet, la France fait figure d’exception au regard des ambitions de la transposition de la directive SMA en ayant notamment imposé le principe du pays de destination pour l’obligation d’investissement des plateformes et par des négociations avec celles-ci à l’image des conventions déjà réalisés avec Disney +, Amazon et Netflix en 2021.

Les échanges de la journée ont montré que la relation auteurs – producteurs – diffuseurs demeurait toujours centrale, avec des impératifs de transparence et ce en particulier dans des États à plus faible capacité de production que la France. L’indépendance de la création européenne ne dépend pas uniquement de sa capacité de production mais également de son accessibilité, qu’elle soit portée par des salles qui ne cessent de se réinventer, des diffuseurs ou des plateformes européennes.

D’autre part, au regard de la force des acteurs extra-européens et de ces plateformes, ces mécanismes de régulation dépassent largement le secteur audiovisuel et s’inscrivent dans une dimension démocratique nécessaire avec par exemple l’adoption récente par le Parlement européen du règlement sur les services numérique (DSA), en lien avec le règlement sur les marchés numériques (DMA) mais aussi sur les travaux en cours de la Commission européenne sur un projet de règlement pour la liberté des médias.

Quels soutiens pour l’audiovisuel européen ?

Les ambitions communautaires s’inscrivent à la fois dans le cadre de la relance et plus largement de la transition numérique, écologique et sociétale d’un audiovisuel européen fortement accélérée par la crise sanitaire et la recomposition des acteurs économiques mondiaux.

Lors de son intervention, le commissaire européen Thierry Breton est revenu sur plan d’action pour les médias et l’audiovisuel (MAAP) qui a été lancé fin 2020.

C’est d’abord un accompagnement dans la relance. Il s’agit dans un premier temps d’assurer que les plans de relance prendront part à un investissement dirigé vers la culture et donc participeront à un renforcement du secteur audiovisuel dans un environnement compétitif et difficile.

C’est la volonté de développer des instruments financiers spécifiques autour de l’initiative MEDIA Invest, dont nous espérons un lancement prochain. Il faut se pencher sur la santé financière des entreprises en favorisant des investissements européens pour développer les fonds propres des entreprises de production afin qu’elles conservent une certaine autonomie.

Le rôle des programmes européens est également d’expérimenter. Des dispositifs les plus larges à travers les fonds structurels européens comme le FEDER aux programmes communautaire comme Horizon Europe, Erasmus + et spécifiquement Europe Créative, et son volet MEDIA, donnent la possibilité aux opérateurs européens de s’investir.

Ces programmes permettent de soutenir des nouvelles coopérations en termes d’outils, de création, de circulation mais aussi d’inventer des modèles ou pratiques écoresponsables, et d’investir dans la diversité pour redécouvrir une certaine liberté de récit.

Soutenir le pluralisme de ces initiatives et de ces actions culturelles, c’est imaginer que la réponse européenne repose sur la multiplicité et la diversité de ses acteurs et non pas sur un champion hypothétique.